Les Femmes Cornues

Voici un très ancien conte irlandais qui a sans aucun doute subi de nombreuses modifications et qui connait, paraît-il, de nombreuses versions. Les cornes sur le front des sorcières-fées, l’eau du puits, les treize femmes autour du feu renvoient directement à la lune. L’art du tissage et des sortilèges sont intrinsèquement liés. On note également l’usage du sang dans le gâteau qui est une pratique sorcière. Le tamis est également rattaché à la sorcellerie. Le tamis sert de moyen de transport aux sorcières, on peut retrouver l’idée dans de nombreux procès de sorcières. J’ai traduit la version du conte de Lady Jane Francesca Wilde, poétesse irlandaise du XIXème siècle, partisane du mouvement nationaliste et accessoirement mère d’Oscar Wilde.

Les Femmes Cornues

Par Lady Jane Francesca Wilde, traduction & adaptation Lune

(Un conte populaire celte)

Alors que toute la famille et les serviteurs étaient endormis, une riche femme s’assit tard dans la nuit pour carder et préparer la laine. Soudain, des coups à la porte retentirent et une voix s’écria : « Ouvrez ! Ouvrez ! »

« Qui est là ? » demanda la femme de la maison.

« Je suis la Sorcière à une Corne, » répondit la voix.

La maîtresse de maison, supposant que l’un de ses voisins l’appelait et demandait de l’aide, ouvrit la porte et une femme entra, elle avait dans ses mains un paire de cardes à laine, et portait une corne sur son front, comme si celle-ci avait poussé là. Elle s’assit près du feu en silence et commença à carder brutalement la laine en toute hâte. Soudain elle s’arrêta et dit à haute voix : « Où sont les femmes ? Elles sont bien trop en retard. »

Puis des coups retentirent une seconde fois à la porte, et une voix s’écria comme auparavant, « Ouvrez ! Ouvrez ! »

La maîtresse se sentit forcer de se lever et d’ouvrir à cet appel, et immédiatement une seconde sorcière entra, elle avait deux cornes sur son front, et dans ses mains une roue pour filer la laine.

« Faites-moi de la place », dit-elle, « Je suis la Sorcière à deux Cornes, » et elle commença à filer la laine aussi vite que l’éclair.

Et d’autres coups à la porte retentirent, un appel se fit entendre, et les sorcières entrèrent, douze femmes en tout s’assirent autour du feu – la première avait une corne, la dernière en avait douze.

Et elles cardaient le fil, et faisaient tournaient leurs roues à filer et enroulaient et tissaient.

Elles chantaient toutes ensemble une ancienne comptine, mais ne disaient pas un mot à la maîtresse de maison. Ces douze femmes étaient étranges à entendre, effroyables à regarder, avec leurs cornes et leurs roues ; et la maîtresse de maison se sentit proche de la mort, et elle tenta de se lever pour appeler à l’aide, mais elle ne pouvait bouger, ni prononcer un mot ni un cri, car le sortilège des sorcières était sur elle. Alors, l’une d’entre elles l’appela en Irlandais et dit :

« Lève-toi, femme, et fais-nous un gâteau. » Alors la maitresse chercha un récipient pour rapporter l’eau du puits afin de délayer la farine et faire le gâteau, mais elle n’en trouva aucun.

Et elles lui dirent, « Prends un tamis et avec ce tamis rapporte l’eau. »

Et elle prit le tamis et se rendit au puits ; mais l’eau s’en écoulait et elle ne pouvait pas en rapporter pour le gâteau, et elle s’assit près du puits et pleura.

Alors une voix vint à elle et dit : « Prends l’argile jaune et la mousse, unis-les, et tapisses-en le tamis ainsi l’eau y restera. »

C’est ce qu’elle fit et le tamis contint l’eau pour le gâteau et la voix dit à nouveau –

« Retournes-y, et lorsque tu arriveras à l’angle nord de la maison, crie trois fois et dis, ‘La montagne des femmes Fenian 1 et le ciel qui la surplombe est entièrement en feu’. »

Et c’est ce qu’elle fit.

Lorsque les sorcières à l’intérieur entendirent l’appel, un grand et terrible cri fendit leurs lèvres et elles se précipitèrent à l’extérieur avec des lamentations et des hurlements sauvages, et s’enfuirent à Slievenamon, là où se trouvait leur principale demeure. Alors l’Esprit du Puits invita la maitresse de maison à entrer et à préparer sa maison contre les enchantements des sorcières au cas où elles reviendraient.

Et en premier lieu, pour briser leurs sortilèges, elle aspergea le seuil extérieur de la porte à l’aide d’eau avec laquelle elle avait lavé les pieds de son enfant (l’eau des pieds) ; en second lieu, elle prit le gâteau que les sorcières avaient fabriqué en son absence en délayant la farine avec le sang de sa famille endormie, elle brisa le gâteau en morceaux, et plaça un morceau dans la bouche de chaque dormeur, et ils furent régénérer ; et elle s’empara du tissu qu’elles avaient tissé et placé à moitié dans le coffre, à moitié en dehors, à l’aide du cadenas ; et enfin, elle barra l’entrée avec une grande poutre fixée aux montants de la porte, ainsi elles ne pourraient pas entrer, et une fois qu’elle eut fait toutes ces choses, elle attendit.

Peu de temps après, les sorcières revinrent, et elles tempêtèrent et réclamèrent vengeance.

« Ouvre ! Ouvre ! » S’écriaient-elles, « Ouvre, Eau-des-Pieds ! »

« Je ne peux pas, » dit l’eau-des-pieds, « Je suis éparpillée sur le sol, et il me faut descendre jusqu’au Lac. »

« Ouvrez, ouvrez, bois et arbres et poutre ! » s’écrièrent-elles devant la porte.

« Je ne peux pas, » dit la porte, « car la poutre est scellée aux montants et il m’est impossible de bouger. »

« Ouvre, ouvre, gâteau que nous avons fait et mêlé de sang ! » s’écrièrent-elles à nouveau.

« Je ne peux pas, » dit le gâteau, « car je suis brisé et meurtri, et mon sang est sur les lèvres des enfants endormis. »

Alors les sorcières se précipitèrent dans les airs avec de grands cris et fuirent jusqu’à Slievenamon 2, en proférant d’étranges malédictions à l’encontre de l’Esprit du Puits, qui avait souhaité leur ruine ; mais la femme et la maison furent laisser en paix. La maîtresse de maison garda le manteau d’une sorcière, que cette dernière avait laissé tomber en plein vol, en symbole de la lutte de cette horrible nuit ; et cinq cents ans plus tard, ce manteau était toujours en possession de la même famille, transmis, de génération en génération.


  1. Fenian : ce terme provient de l’irlandais Na Fianna ou Na Fianna Éireann, qui, dans la mythologie celte était un groupe de guerriers professionnels conduits par Finn Mac Cumaill aux environs du IIIe siècle ap. J.-C. Ce terme désigne également depuis la fin du XIXe siècle les nationalistes irlandais qui luttent avec violence contre la présence britannique.
  2. Slievenamon : en Irlandais, Sliabh na mBan, est une montagne du conté de Tipperary, dans la province de Munster en Irlande. La montagne est liée à de nombreuses légendes irlandaises. On dit qu’elle tient son nom d’une ancienne femme-fée ou Feimhin, qui avait séduit un guerrier du nom de Fionn mac Cumhaill et ses hommes. Une autre légende raconte comment Fionn décida de choisir sa fiancée parmi un groupe de femmes. Celles-ci devaient faire la course jusqu’au sommet pour le rejoindre. Il était assis tout en haut de Slievenamon. La première à atteindre le sommet fut Gráinne, qui devint une figure célèbre du folklore irlandais du fait de ses exploits avec le héros Diarmuid.

Mon bouquin s’appelle reviens

Bon bah, comme tu voulais voir l’engin, le voici. Spécial Aranna donc !

Mon bouquin s’appelle reviens
Par Scott Cunningham © , traduction & adaptation Lune

Ceux d’entre nous qui étudient les anciennes voies de la magie naturelle affectionnent habituellement les livres. Notre affection nous conduit souvent à les prêter aux amis. Malheureusement, le prêt d’un livre peut signifier que nous ne le reverrons jamais.

D’où ce rituel de ligature de livre. Il s’agit de magie des nœuds (dont je parle dans le chapitre 12 de Earth Power). Les ligatures et les nœuds sont régis par l’élément Terre, et de fait je pense que ce sortilège peut trouver sa place dans ce chapitre. (D’ailleurs il ne semble appartenir à aucune autre catégorie.)

Dans la magie naturelle, les nœuds sont des objets physiques qui, en même temps, représentent des buts immatériels (tels que le retour d’un bien prêté) et absorbent le pouvoir personnel. Le sortilège suivant utilise le pouvoir des nœuds de cette façon.

(Ce rituel n’est pas prévu pour forcer ou contraindre un autre être humain à rendre un livre ; c’est un sortilège pour assurer le retour du livre. Il n’influe en rien la personne à qui l’on prête le livre ; il affecte le livre lui-même.)

Voici comment procéder :

Avant de prêter le livre, tenez le entre vos paumes. Envoyez du pouvoir personnel en lui pendant que vous direz :

« Par la colline et le vent,
Par la flamme et le ruisseau,
Par la lune brillante et la mer ;
Je place un lien
Sur ce livre
Afin qu’il me revienne. »

Entourez-le avec d’une ficelle de coton blanc uni, faites un nœud solide. Nouez fermement, mais laissez du mou pour que vous puissiez retirer la ficelle sans défaire le nœud. Tandis que vous faite le nœud, visualisez le livre revenir à vous, et dites une fois encore :

« Par la colline et le vent,
Par la flamme et le ruisseau,
Par la lune brillante et la mer ;
Je place un lien
Sur ce livre
Afin qu’il me revienne. »

Retirez la corde nouée. Mettez-la en un lieu secret. Tandis que vous prêtez réellement le livre, répétez ces paroles (en chuchotant). Le livre devrait , effectivement, vous être rendu. Une fois que vous l’aurez récupéré, défaites le nœud ou bien coupez la corde. Elle a rempli sa mission.

Troc païen

Je me suis inscrite il y a quelques mois sur le comptoir d’abracadabrante et y ai échangé divers objets. Je termine actuellement une boîte à tarot que je troquerai contre un livre.

Je vais pouvoir compulser de nouveau ce bouquin qui a fait partie pendant un temps de ma bibliothèque… et que j’ai malheureusement prêté. Rhaaa, j’ai beau me dire que je n’en prêterai PLUS JAMAIS, je me fais toujours avoir… Je vais finir par céder à la tentation de leur jeter un sort à la Cunningham (oui oui, il a créé un sortilège spécial bouquin qui s’appelle reviens… c’est neuneu mais c’est tentant) !

Une Danse Extatique avec Shiva Nataraj

J’aurais également pu choisir pour titre, ce jeu de mot : « Transe en danse »… J’ai pris beaucoup de plaisir à traduire ce texte en dépit du fait qu’il soit assez mal écrit. Il s’agit d’une très belle expérience avec un dieu que j’affectionne tout particulièrement.

Une Danse extatique avec Shiva Nataraj

Une journée dans la vie d’une Dévadasi

par Nikki Lastreto, traduction Lune

Vous l’avez vu un million de fois, ce dieu dansant dans le cercle de feu, l’image du dieu hindou Shiva Nataraj. Son doux visage irradie la compassion tandis que ses mouvements extasiés manifestent l’énergie rythmique primale, ou Shakti, et reflètent sa divinité intérieure.

Le Cosmos est sa salle de danse et nous sommes tous ses partenaires de danse.

« Ses gestes sauvages et plein de grâce, précipitent l’illusion cosmique ; ses bras, ses pieds s’envolent, son torse ondule, et produisent, en effet, la création / destruction continue de l’univers, la mort contrebalançant précisément la naissance, l’annihilation, la fin de tout ce qui vient au monde. »

C’est ce qu’a dit Heinrich Zimmer, spécialiste de l’hindouisme, à propos du Seigneur de la Danse.

Des tonnes de livres ont été écrits sur Nataraj , un gigantesque temple dans le Sud de l’Inde, appelé Chidambaram, est dédié à ses danses et à lui-même, et les philosophes se sont battus pour saisir les nombreux niveaux des significations énoncées par ce dieu extraordinaire. Dans ma recherche de connexion avec Shiva Nataraj, pour mieux expliquer ces racines de la danse-transe de l’Inde Antique, j’ai ressenti la nécessité d’aller plus loin que la lecture de bouquins, j’ai ressenti la nécessité d’invoquer Shiva.

Ainsi, la nuit dernière, tandis que je me préparais à partir pour une fête donnée à San Francisco, dans la Dimension Seven Warehouse, je me suis concentrée sur mon intention pour la soirée. Je voulais fusionner avec Nataraj, devenir une devadasi, ou danseuse du temple sacré. Je savais que j’étais sur la voie lorsque je suis arrivée à la fête, j’ai été immédiatement saluée par une grande statue de bronze de Shiva Nataraj, dominant l’autel face au DJ. Un batik, aux couleurs lumineuses, le représentant était tendu sur le mur principal de la salle de danse. Shiva a en effet été invoqué, la magie tissée, et le moment était venu pour moi de vivre l’expérience de ma danse dévotieuse.

Remplie d’amour pur pour le Seigneur, et tout ce qu’il représente, je me suis laissée dériver à travers les âges, j’étais une jeune devadasi exécutant une danse-transe tantrique, quelque part dans le sud de l’Inde. Le rythme techno se transformait dans ma tête en une mélodie perçante de shenai, le tintement rythmique des cloches du temple résonnait dans un ancien temple de pierre, et le bourdonnement hypnotique des chants dévotieux se répétaient encore et encore.

L’extase permit à la transe de Nataraja de me rattraper, je sentis mon corps tournoyer de manière si inhabituelle que cet état me semblait aussi ancien que Shiva lui-même. Quels étaient ces mouvements étranges, ces pas de danse provocatrice venue d’un autre millénaire ? J’étais capable de quitter mon corps et de m’observer depuis cette nouvelle/ancienne incarnation. Je me rendis compte que chaque mouvement exécuté par la devadasi avait une conséquence, portait un message de dévotion. La danse-transe m’entraînait vers le sens profond de ces mouvements et je me retrouvais instinctivement en train d’exprimer un large éventail d’émotions qui décrivaient les nombreuses manifestations de Shiva Nataraj. C’était sa douce danse du soir pour les tensions célestes d’un chorus divin dans l’Himalaya… Sa danse erratique et intrépide de Destruction et sa danse rapide du Temps aux terres calcinées… Ses danses sur les champs de batailles… avant son mariage… dans un état de folie. En d’autres mots, Shiva danse à chaque moment de la vie, qui sont tous primordiaux de manière égale.

Mes doigts semblaient avoir leur propre vie. Des mudras spontanés (gestuelles symboliques) ont surgi de lointains souvenirs de vies passées, narrant des histoires à la fois familières et étrangères. J’ai visualisé l’appel d’une assemblée Hindoue dans le temple, « en lisant » les histoires que je contais à travers mes mouvements, envoûtée par la danse de la dévadasi. Ils nous ont regardé, mes consœurs danseuses et moi, sans convoitise mais avec dévotion. Nous étions les tentatrices à ce moment, pour les séduire, amener à eux la déesse sous une forme pure.

Perdue dans cette antique transe, j’ai senti mon amour pour Shiva devenir plus profond au fil de la nuit, me consumer. J’ai vu son essence en chacun et tout autour de moi. Les paroles de Swami Nisargadatta Maharaj me revenaient en tête par flash.

« Lorsque je vois que je ne suis rien, c’est de la sagesse ; lorsque je vois que je suis tout, c’est de l’amour. »

Ainsi cela doit expliquer les nuits de sexualité sauvage, que j’ai découvertes dans mes lectures, dans ces temples hindous, lorsque les swamis « célibataires » s’unissent aux servantes « vierges » du dieu, tous dansant leur dévotion ensemble. Il me paraît évident qu’ils étaient également tous en transe, transe induite par la musique rythmique et leurs propres états de béatitude. Je me suis interrogée sur le type de breuvages locaux absorbés par les dévots et les dévadasis, car cela ne fait aucun doute, ils en faisaient usage. (Après tout, Shiva est le dieu du sexe, des drogues et du rock n’ roll). Je me suis également demandée, avec mon cerveau de journaliste / observatrice de tous les jours, si cette danse était encore exécutée de nos jours dans d’obscurs temples Indiens. Depuis que les Nababs dogmatiques, suivis par les Britanniques puritains, ont introduit leur règles pudibondes dans le sous-continent, on peut supposer que ces danses de dévotion paillardes soient devenues illégales. Mais, tout comme ils ont essayé d’interdire la dot, les mariages d’enfants et la sati (lorsqu’une épouse s’immole sur le bûcher funéraire de son mari afin de témoigner de sa fidélité), je sais que tout ces actes continuent d’exister en Inde, certains plus ouvertement que d’autres.

J’ai entendu des histoires à travers tout le vignoble indien au sujet de temples isolés où des hommes continuent à se réunir, à la fois prêtres et profanes, lors des jours propices à la danse de Shiva avec les devadasi locales (des jeunes femmes offertes au temple par leurs parents). J’ai vu des dévots entrer en transe au cours de danses spontanées, inspirées par le pouvoir d’un murti particulier (statue d’une déité). Une femme est devenue littéralement la féroce déesse Kali, une manifestation de Shiva, sous mes yeux. Elle a tournoyé en cercles pendant une heure, elle jetait des regards féroces de ses yeux injectés de sang.

Je me suis jointe à une danse dans un village, de minuit jusqu’à l’aube, qui invoquait la puissante déesse Durga. Pendant des heures nous avons répété des pas simples qui nous ont tous conduit à une transe, jusqu’à ce que la déesse « apparaisse » sous la forme d’un prêtre costumé. A l’aube, plusieurs chèvres ont été sacrifiées en l’honneur de la toute-puissante. Même les fiévreuses danses aux mariages hindous deviennent une transe alors que les hommes ivres (et occasionnellement les femmes) cabriolent pendant des jours au son des flonflons désaccordés de l’orchestre local.

Ils disent que si vous récitez le puissant mantra de Shiva, « Om Nama Shivaya », 108 000 fois avec intensité, alors Shiva viendra et remaniera votre vie. Je sais que c’est vrai, alors ne le prenez pas à la légère. Shiva est tout à la fois création et destruction, l’acceptation et l’appréciation de l’inévitable dharma du changement. Peut-être parce que j’ai toujours invoqué le puissant Shiva au cours de mes années de méditation sous ses nombreux aspects, que je suis si aisément capable de tomber en transe au cours d’une danse de dévadasi. J’attends qu’il vienne à moi comme un amant à une heure convenue. J’explore chaque parcelle de Shiva, alors qu’il imprègne mon être par cette danse, telle une femme méditant tendrement sur chaque aspect du caractère de son homme.

J’imagine le pied levé de Shiva qui accorde le bonheur éternel libérateur. Son autre pied, fermement enraciné sur le dos du nain de l’ignorance est le symbole du triomphe sur l’ego. Le tambour dans sa main supérieure droite joue la note de la création alors que la flamme dans sa main gauche vacille sous le changement apporté par la destruction. Son autre main droite, paume ouverte, dans la position de l’abaya mudra, me rappelle que Se Libérer de la Peur Apporte l’Epanouissement.

Le cercle enveloppant des flammes entourant Shiva Nataraj représente la danse naturelle de la vie. Le croissant de lune dans ses cheveux emmêlés est un symbole de son contrôle complet sur les sens comme les blessures des serpents autour de ses bras sont la preuve de son contrôle sur ses forces de vie essentielles. Son troisième œil est son antenne du suprême.

Tandis que la nuit se transforme doucement en aube, je suis consciente que toute vie est une part d’un grand processus rythmique de la création et de la destruction, de la mort et de la renaissance, et Shiva est la force agissante. A travers la danse, ma shakti (énergie) a muté, a été éprouvée, détruite et finalement revitalisée par la lumière du matin.

Et donc, j’émerge dans un jour nouveau, en remerciant Shiva pour notre besoin spirituel fondamental de nous relier à celui qui a créé, pour ce faire, une nouvelle techno-transéologie. Ma nuit avec Shiva Nataraj, en tant que dévadasi, m’a montré une signification plus profonde de la danse-transe. J’ai appris à ouvrir mon cœur et à laisser circuler Shiva dans tout mon corps, alors que la shakti me guide à travers la nuit.

OM NAMA SHIVAYA

NOTES:

Sur Nataraj :

Extrait de « The Presence of Shiva » par Stella Kramrisch, 1981, pg. 439…

« Le Ananda Tandava, la danse de félicité de Shiva dans le hall de la conscience, est la danse de Shiva dans le cœur de l’homme. Ici Nataraja, le seigneur des danseurs, en dansant, témoigne de sa quintuple tâche, l’expression de sa totalité divine. Ses membres dansants communiquent par ses mouvements et ses symboles ; la quintuple action de création, de maintien, de dissolution, de voiler et dévoiler, et de délivrance. Nataraja danse le cosmos en création, soutient sa création, et la danse en dehors de la création. Le Seigneur voile la création avec l’illusion afin qu’elle ne soit pas perçue comme la réalité, et en dansant, il retire le voile. »

Sur Kali :

Dans le temple de la ville de Chidambaram où Shiva Nataraj vit, l’histoire dit que Shiva Nataraj se disputaient le plus grand temple de la ville. Shiva et Kali sont tout deux célèbres pour leur fantastique et sophistiqué jeu de jambes, c’est pourquoi un concours de danse fut organisé. Le but était de voir qui pourrait lever ses jambes le plus haut.

Tandis que ces deux puissants dieux caracolaient, le gagnant devint évident. Comme Shiva portait une simple peau de tigre autour de sa taille, il était capable de lever son pied au-dessus de l’univers, libre de ses mouvements. Kali cependant, malgré le fait qu’elle soit une féroce déesse, était incapable d’être à la mesure du Seigneur Shiva Nataraj car son sari enveloppait son corps et ne lui permettait pas de lever son pied aussi haut.

Une fois encore, nous voyons l’Inde telle qu’elle est, une société patriarcale. Ainsi, Kali obtint un petit temple dans les faubourgs de la ville, là même où j’ai vu cette femme devenir Kali par la transe. Shiva Nataraj gagna le gigantesque temple qui abrite aujourd’hui sa magnificence.

Sur le Troisième Œil :

Extrait de Karapatri, « Sri Siva tattva, » Siddhanta, II, 1941-42, pg. 116…

« L’œil frontal, l’œil du feu, est l’œil de la plus haute perception. Il regarde principalement à l’intérieur. Lorsqu’il est tourné vers l’extérieur, il brûle tout ce qui apparaît devant lui. C’est par le regard de ce troisième œil que Kama, le seigneur de la luxure, a été réduit en cendres et que les dieux, ainsi que tous les êtres créés, sont détruits lors de chaque destruction cyclique de l’univers. »

Octobre 1998