Le livre des Fleurs (première partie)

Violette

Après quelques jours d’escapade dans la capitale, j’ai été pleinement heureuse de retrouver notre maison dans la nature. Quel plaisir de sentir l’air saturé du parfum des violettes, de regarder les bourdons s’enivrer du pollen et du nectar de celles-ci mais aussi des pulmonaires, des ficaires, des véroniques de perse et des primevères. Quand je jardine, je pense aux fées. Quand je me repose, je pense encore à elles et je traduis une petite histoire  enfantine à leur sujet.

Le Livre des Fleurs

(1901)

Écrit par Eden Coybee , traduit de l’anglais par Lune, illustré par Nellie Benson

Lorsque la neige s’étend en couche épaisse sur le sol et tous les ruisseaux qui babillent en été se reposent encore dans leurs maisons de glace, vous pensez, je suppose, que les fleurs sont endormies et que rien ne peut les réveiller avant le printemps ?

Mais je connais un bois où les petits elfes, les lutins et les délicates fées dansent en cercle au clair de lune, et je vous raconterai ce qui leur arrive à minuit tapante la première nuit de chaque année.

L’horloge dans la tour de la cathédrale sonne douze coups solennels, et toutes les cloches des églises carillonnent pour accueillir la Nouvelle Année. C’est le signal pour les fées de descendre d’un rayon de lune – dans leurs lumineuses robes blanches et avec leurs longues chevelures blondes en cascade.

La plus belle d’entre toutes est Rusialka, la reine des fées et des elfes. Elle porte un collier de perles de rosée, et les perles de rosées scintillent sur sa robe et dans ses cheveux. Elle glisse doucement sur la neige et toutes les fées la suivent pour rejoindre un grand Sureau qui pousse au milieu du petit bois. Elle tape une fois et appelle :

« Dame Sureau ! Êtes-vous à l’intérieur ? »

Et l’arbre ouvre ses bourgeons verts et ses tendres feuilles se déplient.

Puis, à nouveau, la fée Rusialka frappe et appelle :

« Dame Sureau ! Dame Sureau ! Êtes-vous à l’intérieur ? »

Et d’adorables fleurs blanches s’ouvrent au-dessus, et une douce pluie de fleurs tombe sur les fées.

Pour la troisième fois, Rusialka appelle :

« Dame Sureau ! Dame Sureau ! Dame Sureau ! Êtes-vous à l’intérieur ? »

Et alors l’arbre s’ouvre doucement et la Dame Sureau apparait. Elle est très vielle, car elle est la Mère de toutes les fées et de tous les elfes. « Que me voulez-vous, mes enfants ? » demanda-t-elle avec une voix semblable à une clochette d’argent.

Et toutes les fées font une très longue et très profonde révérence, et lui répondent :

« La Nouvelle Année est arrivée, Dame Sureau ; et nous voulons que vous nous accordiez de laisser s’éveiller les petites fleurs qui dorment sous la neige ! »

« Le Monde est encore froid pour les fleurs, mes enfants, » répondit la Dame Sureau. « Elles sont toujours endormies, chacune doit être réveillée en son temps. Mais vous pouvez faire ceci. Vous pouvez les appeler pour cette nuit, et lorsque vous quitterez ce bois au matin, elles retourneront toutes dans leurs lits à nouveau. »

« Recevez toute notre bien heureuse gratitude, Madame, » les fées chantent à nouveau joyeusement.

Puis elles joignent toutes leurs mains, s’ébattent et chantent en s’éloignant :

« Petites fleurettes adorées et gaies

Écoutez le bruit de nos pieds ;

Petites fleurettes gaies et adorées

Venez et dansez sur le rondelet ! » 1

Puis, de plus en plus lente, la danse s’éteint.


1 (ndlt : rondelet : on dit rondelet dans le sens de rondeau : chansons, lettres et rondelez)

Folklore Féérique

Dans le livre que je lis actuellement, The Feary Tradition par Orion Foxwood, je suis tombée sur un extrait de Irish Fairy par W. B. Yeats, j’ai commencé à le traduire puis j’ai trouvé une très bonne version française sur le net. J’aurais cependant tendance à remplacer Fées par petit peuple ou peuple de féérie. Je la copie-colle. Précèdera et suivra une traduction des commentaires d’Orion Foxwood.

La veille de chaque trimestre (Hallowmas, Lammas, Rodmas et Candlemas), les Fées quittent leurs maisons et les sorcières se réunissent pour les saluer. Le premier Lundi après le jour du semestre est considéré comme des plus propices. On dit qu’elles sortent également lors d’autres Fêtes, telles que le Solstice d’été. Le savoir traditionnel est clair sur une chose à propos de cet enseignement, les Fées sont reliées aux mouvements des saisons et des énergies de vie à travers les routes cachées du pays (ndlt : l’auteur fait référence aux mondes parallèles, intérieurs). W. B. Yeats dans Irish Fairy and Folk Tales partage ce savoir avec nous à propos des Festivals de Féérie :

Elles (les Fées) ont trois grands festivals dans l’année–la nuit d’avant Mai, la nuit d’avant le milieu de l’été, la nuit d’avant Novembre. La nuit d’avant Mai, une fois tous les sept ans, elles combattent partout, mais surtout dans la « plaine de Bawn » (où que ce soit), de sorte que la récolte, les plus beaux épis, leur appartiennent. Un vieil homme m’a dit qu’il les avaient vu se battre une fois; elles ont déchiré en deux, par le milieu, le toit d’une chaumière. Si quelqu’un d’autre avait été à proximité, il aurait juste vu un grand vent faisant tout tourbillonner dans l’air sur son passage. Quand le vent fait tourbillonner la paille et les feuilles sur son passage, ce sont les fées, et les paysans enlèvent leurs chapeaux et disent, « Dieu les bénisse ».

La nuit d’avant le milieu de l’été, quand les feux de joie sont allumés sur chaque colline en l’honneur de Saint Jean, les fées sont on ne peut plus gaies, et il leur arrive parfois d’enlever de belles filles pour les épouser.

La nuit d’avant Novembre, elles sont on ne peut plus mélancolique, car, selon le vieux calendrier Gaélique, c’est la première nuit de l’hiver. Cette nuit, elles dansent avec les fantômes, et le Pooka est de sortie, et les sorcières tissent leurs sortilèges, et les filles dressent la table au nom du diable, de sorte que l’ombre de leur futur amoureux puisse passer par la fenêtre et venir manger. Après cette nuit, les mûres ne sont plus bonnes, car le Pooka les a gâtées.

Cette citation nous donne d’importantes indications sur le folklore lié aux Fées :

  1. les Fées sont liées aux saisons,
  2. elles agissent de différentes manières en changeant d’endroits durant les saisons (probablement, ces changements influencent le temps des saisons),
  3. les sacrifices du blé sont réalisés pour elles.
  4. le « Plain-a-Bawn » est probablement la plaine d’abondance du monde-d’en-bas, car c’est une activité de récolte qui provoque le début de l’été, lorsque les Fées marquent le destin du grain avant qu’il ne pousse.
  5. elles ont des périodes d’intense activité provoquant des tourbillons de vent qui peuvent être destructeurs (cela montre également qu’elles sont liées aux forces élémentaires).
  6. seuls les humains qui possèdent la seconde vue peuvent les voir,
  7. les paysans les bénissent pour leur protection personnelle, et
  8. après la veille de Novembre (c’est-à-dire la Toussaint), toute nourriture végétale non récoltée appartient au peuple de Féérie et ne devra pas être récoltée par les humains.

Rebouteux, sorciers des campagnes, sages-femmes et esprits familiers…

Je suis généralement déçue par les livres qui traitent de sorcellerie, tout genres confondus. Je les trouve souvent creux et sans intérêt, ou pire à côté de la plaque. Même parmi les auteurs ‘reconnus’. Quand certains s’extasient sur les écrits d’Evan Jones par exemple, ben je m’étonne (cf les divers textes sur les portes du sidh).

Evidemment, je ne parle même pas des auteurs comme Ann Moura, Patricia Telesco et cie… là on est carrément dans une autre dimension =).

Désormais, je n’achète plus de livres sans consulter Google Books. Je me suis amusée à constituer une petite bibliothèque virtuelle avec toutes sortes d’auteurs (toujours traitant du même sujet). Ca m’a permis de lire de larges extraits de divers livres que l’on m’avait recommandé et de me forger ma propre opinion… Cela m’évite désormais de mettre de l’argent dans des… désolée mais je ne trouve pas de termes élégants… ‘merdes’.

Heureusement, il m’arrive aussi de tomber sur de petits bijoux. Et là je pense à Emma Wilby, une historienne anglaise, et son Cunning Folk & Familiar Spirits: Shamanistic Visionary Traditions in Early Modern British Witchcraft and Magic. Je l’ai reçu il y a quelques jours et je l’ai largement entamé avec enthousiasme. Cela commence par les minutes du procès pour Sorcellerie d’une écossaise, Bessie Dunlop, en novembre 1576. Je vous rassure tout de suite, cela n’a rien à voir avec un trip fumeux à la Margaret Murray =).

Je n’en parle pas davantage car je ne l’ai pas encore terminé. J’en dirais probablement un peu plus dans quelques temps. En attendant voici le sommaire et la traduction de la 4ème de couverture :

List of Illustrations
Préface : Walking with Spirits – A cunning Woman’s Tale
Acknowledgments

Part I – Demon and Fairy Familiars : The Historical Context

Introduction to Part I

  1. A Harsh and Enchanted World
  2. Cunning Folk and Witches
  3. The Magical Use of Spirits
  4. Human and Spirit : the Meeting
  5. The Working Relationship
  6. Renunciation and Pact
  7. Demon and Fairy : the Interface

Part II – Anthropological Perspectives

Introduction to Part II

  1. The Shaman’s Calling
  2. Spirit Worlds and High Gods

Part III – The Experiential Dimension

Introduction to Part III

  1. Phantasticks and Phantasms
  2. Psychosis or Spiritualité ?
  3. The Unrecognized Mystics
  4. Greedigut and the Angel Gabriel
  5. The Freedom of Magic

Notes
Bibliography
Index


La quatrième de couverture
:

« La magie et la sorcellerie ont toutes deux représenté l’un des sujets les plus difficiles et les plus provocateurs pour les historiens modernes. Le livre d’Emma Wilby est remarquablement intéressant, opportun et porte un regard neuf sur ces sujets, il est l’un des plus courageux jamais encore tenté. » Professeur Ronald Hutton de l’Université de Bristol, auteur de The Triumph of the Moon : A History of Modern Pagan Witchcraft (OUP), et une autorité éminente concernant l’histoire du paganisme moderne.

Ce livre :

  • Contient la première étude détaillée de la croyance populaire du familier dans la Grande-Bretagne du début de l’époque moderne.
  • Fournit une analyse en profondeur de la corrélation entre la magie Britannique du début de l’époque moderne et le chamanisme tribal.
  • Etudie la dimension expérientielle de la magie populaire et de la sorcellerie dans la Grande-Bretagne du début de la période moderne.
  • Explore les liens entre les croyances britanniques concernant les fées et celles concernant les sorcières.

De nombreuses confessions liées aux procès en sorcellerie et magie dans la Grande-Bretagne du début de l’époque moderne donnent des descriptions détaillées des relations de travail intimes entre les praticiens de magie populaire et les esprits familiers qu’ils aient une forme humaine ou animale. Jusqu’à récemment, les historiens écartaient souvent ces descriptions les considérant comme des fictions complexes créées de toute pièce par les questionneurs juridiques pressés de trouver la preuve de pactes avec le Diable stéréotypés. Bien que ce paradigme soit aujourd’hui, habituellement, mis en doute, et que la plupart des historiens reconnaissent du traditionnel familier qu’il fut une part du folklore au cours de cette période, ces croyances, et les expériences rapportées qui y sont associées, restent substantiellement inexplorées.

Ce livre examine les racines folkloriques de la tradition du familier sous divers angles : historiques, anthropologiques et religions comparées. Il soutient que les croyances au sujet des familiers des sorcières sont enracinées dans les croyances concernant l’emploi de  familiers fées pour le bienfait de celui qui pratique la magie ou du « cunning folk » (note de Lune : on peut pas vraiment traduire ce terme anglais par sorcier des campagnes car l’auteur fait une distinction entre les cunning folk et les sorciers. Les premiers pratiquaient la magie bénéfique, les seconds la magie maléfique), et corrobore ceci par une analyse comparative des croyances des familiers que l’on retrouve dans le chamanisme des Indiens d’Amérique et Sibérien. L’auteur explore la dimension expérientielle de la tradition du familier en traçant des parallèles entre les rencontres du familier du début de l’époque moderne et le mysticisme visionnaire tel qu’il apparaît à la fois dans le chamanisme tribal et dans les traditions contemplatives Européennes médiévales. Ces perspectives défient la vision réductrice de la magie populaire dans la Grande-Bretagne du début de l’époque moderne telle qu’elle est souvent présentée par les historiens.