https://www.youtube.com/watch?t=49&v=H_zgzc1U5OE
Artiste : Shahrzad Raqs
Article par Suzanne de SOYE.
Le terme de danse orientale semble bien vague en effet. Traduction littérale de l’arabe raqs al-sharqui, il désigne cependant quelque chose de bien précis : la danse répandue dans l’est du Bassin Méditerranéen qui se caractérise par la rotation et les mouvements onduleux du bassin et des hanches, du buste et des bras, et par de vigoureux hanchements.
Parler, en dehors des milieux ou elle est pratiquée, de danse orientale, de « danse du ventre », amène souvent un silence choqué de l’interlocuteur – à moins que quelque plaisanterie gauloise ne jaillisse – l’une et l’autre attitudes étant bien significatives de la tournure d’esprit de la plupart des gens et de leur ignorance. Il faut dire à leur décharge que les spectacles offerts aux touristes amateurs d’exotisme dans certains restaurants, cabarets et night-clubs aussi bien d’Europe que du Proche-Orient, sont encore trop souvent provocants et vulgaires, sans réelle valeur artistique. Sensuelle mais non érotique, la danse orientale peut être pudique, élégante, racée, voire même prendre des aspects hiératiques et nobles.
La danse orientale n’a pas de date de naissance précise, comme en a, par exemple, la danse classique française. Est-elle née chez les Phéniciens ? (la Phénicie occupait l’emplacement approximatif du Liban actuel). Les Tsiganes l’ont-ils apportée du nord de l’Inde ? A-t-elle été introduite en Égypte par les Turcs ? thèse la plus communément admise, l’Égypte, conquise en 1415 par les Turcs, ayant fait partie de l’empire ottoman pendant plus de 400 ans ; ou bien les Turcs l’ont-ils au contraire apprise des Égyptiens ? Les opinions s’opposent, toutes étayées.
Il semble que ce style de danse soit la survivance d’une forme de danse liée aux rites de fertilité, au culte de la Déesse-Mère des sociétés matriarcales. Ils reproduisaient symboliquement les mouvements de la conception et de l’enfantement et glorifiaient la maternité en représentant la conception mystérieuse de la vie, la souffrance et la joie avec lesquelles une nouvelle âme est mise au monde et célébrait le renouveau de la nature au printemps.
On a retrouvé des traces de cette forme de danse dans le monde entier :
- mouvements de hanches et de ventre très nets sur des peintures rupestres d’Afrique et du Levant espagnol ; sur des sculptures de l’Inde et de la Grèce Antiques ; en Égypte Ancienne dans le culte de Baktet et de la déesse Hathor ; sur la voie Appia à Rome ;
- description de femmes dansant des nuits entières, entre elles, dans les collines de l’Ancienne Anatolie ;
- danses sauvages des femmes de Sparte dans les temples d’Artémis, déesse de la lune et de la fécondité ; à Chypre, danses érotiques et extatiques des prêtresses d’Aphrodite ; dans la Bible : danse de la Sulamite dans le Cantique des Cantiques ; danse de Salomé dans les Évangiles ;
- Romains se délectant à voir les danseuses syriennes qu’ils avaient fait venir vers 60 avant J-C. poème de Virgile – remarquable mais peu connu – la Copa (ou Fille d’auberge), dont l’héroïne est une danseuse syrienne.
- description par Pline le Jeune, Martial et Juvenal, des danseuses de Cadix, (alors colonie phénicienne), qui dansaient nues et qui, selon Juvenal, plaisaient davantage encore aux femmes qu’aux hommes. chroniques d’Adam de Brême, au XIeme siècle, dans lesquelles il se plaint des danses lascives des femmes du nord de l’Europe ;
- danses traditionnelles du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, telles la danse bédouine parmi d’autres, la guédra, danse en grande partie assise, toujours pratiquée dans le sud du Maroc et le nord de la Mauritanie ;
- danses des femmes Maori, en Nouvelle-Zélande, qu’on pouvait encore voir en 1950 ; oupa-oupa tahitien, tamouré ;
- danse hula-hula des iles Hawai, toujours pratiquée, danses antillaises ;
- danse pelvienne des Bafioti de Loango et d’autres ethnies en Afrique Occidentale ;
- danse similaire en Nouvelle-Guinée ; dans les îles Salomon ;
- femmes banjara de Delhi, au ventre tatoué, toujours célèbres pour leurs danses et qui sont des tziganes ; alors que les Indiennes portent généralement le sari de danse, les banjara portent jupe basse et boléro ;
- nomades tziganes du Rajasthan, dansant dans les villages avant de faire la quête.
Si donc cette forme de danse était jadis répandue dans le monde entier, pourquoi la qualifier d’orientale ? Parce que c’est dans les pays acquis à l’Islam, à l’Est du Bassin Méditerranéen, qu’elle s’est le mieux conservée et qu’elle a atteint le plus grand raffinement. Elle y est restée vivante. Les femmes dansent entre elles sans avoir jamais pris de leçons. On danse à toutes les occasions, à toutes les fêtes : aux mariages, bien sûr, lors des naissances, pour aider le travail de la mère par le rythme que la danse donne à la respiration et aux battements du cœur ; ou tout simplement pour le plaisir, pour passer le temps. Dans les régions où les mariages sont encore arrangés par les familles, il peut arriver que des jeunes filles dansent pour se faire remarquer d’éventuelles belles-mères. Les jeunes gens dansent aussi, non seulement dans leurs vêtements d’hommes, mais aussi habillés en femmes, en se rembourrant les hanches pour parodier les danses féminines. En Occident, quelques garçons prennent des cours, sans pour autant être efféminés ; plusieurs sont même devenus danseurs professionnels et professeurs.