Confarreatio

Sur le défunt forum Terra Mater, Véro avait posté une recette de gâteau au sang de menstrues, trouvée dans « Le Livre Secret des Sorcières » admirablement illustré par Guillaume Aretos. Ce gâteau s’appelerait la confarreatio. Je n’ai pas trouvé ailleurs que dans ce bouquin de références au sang menstruel… La confarreatio serait un gâteau de mariage. Je cite : Les femmes passent sous l’autorité maritale par le gâteau rituel, en faisant à Jupiter Farreus un sacrifice au cours duquel on utilisait un pain de froment (« farreus ») ; c’est l’origine du mot « confarreatio ». On accomplissait en outre, pour effectuer cet acte juridique, de nombreux rites, accompagnés de formules consacrées et solennelles, en présence de dix témoins. Ce droit est encore en vigueur de nos jours : les flamines majeurs, c’est à dire ceux de Jupiter, de Mars et de Quirinus, ne peuvent être choisis que s’ils sont issus de mariage avec « confarreatio ». Ils ne sauraient eux-mêmes exercer leur sacerdoce s’ils ne sont mariés avec « confarreatio ». Gaius, Institutes,I, 112

Voici à présent la recette (le post de Véro) :

Petite recette pas forcément facile à réaliser que j’ai trouvée dans « Le Livre Secret des Sorcières » de Katherine Quenot (éditions Albin MIchel).

Vous pouvez employer un procédé d’amour qu’on retrouve dans des pays très divers, notamment en Espagne. L’aide d’une autre femme est requise. Mettez-vous nue, allongez-vous sur le ventre, et faites vous poser sur les reins une planchette et un petit fourneau sur lequel votre assistante fera cuire un gâteau, le confarreatio, contenant un peu de votre sang menstruel. Vous enverrez ensuite à celui que vous aimez ce gâteau qui aura cuit à la chaleur de votre amour et sera imprégné de votre souffrance.

Si l’une de vous essaye, racontez-moi ! en tout cas le livre en question est plein de bien belles illustrations.

Rituel du premier sang

Rituel du premier sang

Par Marie Bruce ©, traduction Renard Lunaire

D’après le livre Everyday Spells for A Teenage Witch.

Note de la Traductrice : Il y a quelques années, au moment où j’ai commencé à pratiquer, j’ai acheté en Angleterre un livre destiné aux jeunes filles qui pratiquent la magie. De tels livres n’existent pas à ma connaissance en France. En lisant les postes de Lune sur la Menstruation, je me suis souvenue du rituel proposé dans ce livre. Le rite en lui-même est très simple, surtout si on le compare avec les autres articles du site sur le même sujet. Toutefois, j’ai trouvé intéressant de le mettre, à titre d’information, parce que je trouve ça bien que des livres pour adolescentes leurs expliquent qu’il n’y a pas de honte ou de dégoûts à avoir. Ca peut éviter beaucoup de problèmes et de blocages par la suite.

Par ailleurs, ce soir, alors que je traduisais cet article, ma sœur est rentrée dans le bureau et m’a demandé ce que je faisais. Je lui ai tendu le livre. Après l’avoir regardé pendant quelques instants, elle m’a relevé la tête et m’a dit « cet article vient de changer ma vie ». Je croyais que c’était une boutade mais elle m’a expliqué que non. Que jusqu’à cet instant, elle avait toujours considéré les règles comme une faiblesse, une malédiction à supporter et contre laquelle il n’y avait rien à faire. Elle m’a dit qu’elle n’aurait jamais imaginé qu’on puisse célébrer cette période mais que maintenant qu’elle sait que certaines le font, qu’elle se renseignera sur la question…

Avec tes premières règles, tu passes de l’état de jeune fille à celui de jeune femme. C’est l’une des transformations majeures dans ta vie, et peut-être souhaites-tu marquer cette occasion d’une manière spéciale.

Ce rituel, connu comme « le rituel du premier sang » sera un de ceux que tu peux créer toi-même. C’est ton rite et il devrait être aussi unique que tu l’es. Le rite suivant est simplement une indication. La chose la plus importante à garder à l’esprit étant que c’est un temps de célébration. Les menstruations ne sont pas une malédiction, mais une période extrêmement magique. Les sorcières les voient comme le moment pendant lequel nous sommes les plus puissantes, et de nombreux rites importants peuvent être tissés pendant les « lunes de sang », comme les sorcières les appellent.

Tu peux transformer ce rituel en une petite fête, inviter des amies – mais seulement celles qui ont déjà commencé à avoir leurs propres cycles. Ou cela peut-être une réunion de famille (seulement les filles), avec ta mère, tes tantes etc., etc. Autrement, tu peux aussi créer un rituel privé pour toi seule.

Ce que tu veux : Accueillir ta féminité.

Ce dont tu as besoin : des bougies rouges, du vin rouge (mais demande à tes parents d’abord), des biscuits, un cadeau pour marquer cette nouvelle phase de ta vie.

Période lunaire : toutes. Fais-le au moment de tes premières règles.

• La couleur de ce rituel doit être le rouge, pour des raisons évidentes, ainsi, habille-toi en rouge si tu le peux, allume des bougies rouges et (si tu en as la permission) célèbre cette occasion avec un verre de vin rouge. Verses-en un peu dans la terre, et sirote doucement le reste.

• Savoure les biscuits.

• Finalement, reçois un petit cadeau, qu’il provienne de toi, d’une femme proche de ta famille ou d’une amie. Cela peut être un joli sac pour ranger tes serviettes et tampons hygiéniques, ou peut-être un peu de maquillage ou un petit bijou – en tout cas quelque chose qui marque le fait que tu sois maintenant passée de l’enfance à la féminité.

Si tu as déjà commencé à avoir tes menstruations mais pas encore marqué ce passage, fais simplement ce rite durant tes prochaines règles.

Célébrer le Principe Divin Féminin

Célébrer le Principe Divin Féminin

Par Janet Chawla, traduction Lune

Le 16 septembre 2002.

Au temple de Kamakhya, situé à 5 km de Gauhati, la capitale d’Assam, une célébration de la menstruation annuelle de la déesse est tenue durant la mousson, lorsque la rivière Brahmaputra est en crue. La fête est appelée Ambubachi Mela. Kamakhya, également appelé Kamarupa – l’état ou la forme de l’amour et du désir – est le Shakti peeth éminent d’Inde où la déesse est adorée à la fois pour son rôle maternelle et érotique. Il n’y a pas d’idole de déité dans le Garbhagriha du temple. Elle est vénérée sous la forme d’une pierre ressemblant à un yoni d’où une source naturelle s’écoule.

Ce qui est vénéré à Kamakhya durant la mela (fête, foire) n’est pas l’image de la déesse, mais plutôt un processus – et un processus féminin qui est – la menstruation. On croit que durant les pluies de la mousson, la puissance créatrice et nourrissante de la Terre Mère devient accessible aux dévôts sur ce site au cours d’Ambubachi.

Conformément à l’isolement menstruel des femmes, le Kamakhya mandir est fermé aux fidèles durant la mela. Et les dévôts, homme et femme, observe des restrictions similaires – pas de cuisine, pas de réalisation de puja ou lecture de livres saints, et ainsi de suite. Lorsque le temple est rouvert, le prasad (ndlt : part de la nourriture offerte à la déesse) est distribué sous deux formes. Angadhak – littéralement la part fluide du corps – l’eau de la source. Et angabastra – littéralement le vêtement recouvrant le corps – un morceau de tissu rouge est utilisé pour couvrir la pierre yoni au cours des jours de menstruations.

Pendant l’Ambubachi Mela, les rituels réalisés se mélangent à deux phénomènes naturels que nous percevons habituellement comme distinctement différents. Le cycle saisonnier des pluies de mousson fusionne avec la physiologie féminine, l’écoulement menstruel des femmes chaque mois. Les processus du corps de la terre et du corps de la femme sont représentés comme profondément sacrés.

Les dévots de Shakti honorent le principe divin féminin, l’immanent pouvoir de l’absolu, sous des formes telles que Durga, Kali, Lakshmi, Tripurasundari, Bhairavi, et autres variantes locales. D’après estimation, 51 Shakti Peeths (ndlt : lieux de culte) sont disséminés géographiquement sur le sous-continent indien, sur sa longueur et sa largeur. La mythologie relie ces sites sacrés dans le récit du Shiva endeuillé, qui s’envola dans les cieux, désespéré parla mort de sa bien-aimée Sati, et laissa tomber les parties du corps sur la terre.

Kamakhya est considéré comme le Peeth (ndlt : lieu de culte, temple) où le Yoni attérit. Cependant, certains chercheurs voient ce récit comme une forme de géo-mysticisme effectuée par les auteurs Brahman des textes Puraniques, qui ont compilé sites et légendes en une mythologie Hindoue dominante.

De façon intéressante, l’impulsion de l’action dans ce récit implique les transgressions de Sati des conventions à la fois patriarcales et sacrificielles. Sati ou Parvati, est retournée à sa maison natale à l’occasion d’un yagna (prière rituel) effectué par son père Dakshin, même si Shiva et elle n’ont pas été invités. Lorsque son père qui n’accepte toujours pas Shiva – humilie publiquement son bien-aimé au cours du rituel, Sati s’immole dans le feu sacrificiel, le désacralisant. La Devi, sous la forme que nous connaissons comme Sati, défie son père dans son choix d’époux et corrompt le sacrifice Védique, littéralement, en le spoliant (en le polluant) avec son corps.

Les 200 000 à 300 000 pèlerins, dans leur périple de la dernière semaine de juin pour se rendre à Kamakhya, pour célébrer cette fête, sont autant des sadhus (ascètes, saints hommes de l’Inde) que des propriétaires, convergeant pour honorer la déesse. Les Sanyasins, Aghoras vêtus noir, les Khade-babas, les Bâuls ou les ménestrels chanteurs de l’Ouest du Bengale, les intellectuels et le peuple Trantrikas, les Sadhus et Sadvis avec leurs longs cheveux emmêlés sont installés dans l’enceinte du temple pendant le mela. Les sans vêtements, les veuves pauvres et autres, particulièrement les femmes, voyagent depuis le Bengale ou d’Orissa ou de Bihar sur des bogeys spéciaux (ndlt : engins non identifiés, se rapprochant de ce qu’on pourrait appeler une remorque ???) attachés à nombre de trains qui se dirigent vers Gauhati.

Depuis quelques années désormais, les chercheurs féministes et activistes ont exprimés des inquiétudes quant au rôle des religions dominantes en renforçant l’oppression sur les femmes. Fréquemment, elles désignent des textes et principes religieux qui semblent émettre une idéologie patriarcale plutôt que des conseils spirituels pour les femmes. Bien que les femmes soient souvent les plus sincères des dévotes, leur capacité d’assumer les rôles officiels de prêtres (ou imams, pundits, lamas) n’a pas été utilisée.

L’exclusion de ces rôles est liée au pouvoir corporel féminin, à la fois sexuel et procréateur. Et le sang féminin est la marque de ce pouvoir. Dans les traditions religieuses dominantes, ce sang – menstruel et post partum – est décrit comme hautement polluant, salissant et doit à tout prix être séparé des choses sacrés : les livres saints, les prières, les temples, les mosquées, les églises.

Traditionnellement, ainsi, les femmes sont désacralisées à la hauteur de leur pouvoir physique. Il n’est pas étonnant que les chercheurs et activistes féministes ont considéré les textes tels que le Livre Lévitique de l’Ancien Testament et le Dharamshatras de l’Hindouisme, comme édictant davantage des tabous sur les menstrues qui a plus à voir avec le contrôle des femmes qu’avec leur libération spirituelle. Sous un angle plus globale, il est profondément ironique que l’Inde et l’Hindouisme soient perçus comme unique dans la prépondérance du culte de la Déesse – le divin féminin – alors que le statut des femmes est généralement considéré comme vil.

Ainsi, dans ce contexte, que devons-nous faire de l’Ambubachi Mela, où la Déesse elle-même se rend pour saigner, et le prasad (ndlt : don, offrande, cadeau béni ou divin) est donné sous la forme d’un tissu rouge symbolique ?

Pupul Jayakar, dans son livre sur les traditions populaires : « The Earth Mother », montre les connexions entre le corps féminin et son pouvoir de procréation (la capacité d’apporter la vie nouvelle dans le monde) et les rites ‘magiques’ ou sacrés et les croyances des peuples agraires et tribaux. Selon elle, dans certaines sociétés rurales et rites Tantriques, le diagramme ou yantra était identifié à l’organe reproducteur féminin comme étant la déesse Bhaga ou Kamakhya, l’oeil de l’amour et de la création, la porte de l’utérus. Les dessins de mandalas ou yantras au sein des grandes traditions, les peintures murales et des sols par les femmes au sein des traditions populaires, tous révèlent une structure magique. Tout d’abord, un espace est créé et ensuite le rite magique avec sa forme et son intention est réalisé dans cet espace. Celui-ci était prévu en fonction de la manifestation et la réalisation de l’intention désirée.

Le culte d’Ambubachi des phénomènes simultanées des pluies de moisson et du saignement menstruel peut apporter une importante contribution à la représentation mondiale du corps féminin. Kamahkya semble remettre en question à la fois les héritages religieux dominants : la pollution inhérente aux processus du corps féminin et la représentation gynécologique et obstétrique de la menstruation et de l’enfantement comme des périodes de dysfonctionnement et pathologies.

Beaucoup de femmes tout autour du monde voient leurs corps non pas comme une part de la nature ou même comme leur « culture » singulière, mais plutôt en des termes biomédicaux représentés comme « scientifiques » et véritable. Et ainsi demeurent les mystères inhérents au plaisir sexuel, à la magie de la nouvelle vie grandissant à l’intérieur d’une femme, au fait de donner naissance et nourrir au sein. Peut-être que l’Ambubachi Mela procure un espace sacré aux images qui donnent du pouvoir au corps féminin – un espace où les aspects maternels et érotiques des vies des femmes sont codés et célébrés comme divins.

Pratiques sexuelles et rites en Océanie

Pratiques sexuelles et rites en Océanie

Les mœurs et les rites d’Océanie peuvent nous paraître bien étranges à nous Occidentaux. Cependant, ils ont tous une signification bien précise…

Dernier continent exploré par les Blancs, L’Océanie est divisée en trois grandes régions : Mélanésie, Micronésie et Polynésie. En Papouasie, la plus grande île de Mélanésie, tout ce qui est féminin est jugé affaiblissant pour le mâle, guerrier. Le baiser, par exemple, que l’on pourrait croire universel, n’existait pas dans maintes sociétés papoues avant l’arrivée des Blancs. Toutes les sociétés y sont régies selon une séparation absolue entre les sexes. Il y a ainsi des cases distinctes et des huttes menstruelles, isolées du reste du village et dans lesquelles les femmes sont reléguées durant leurs règles. De même, une femme menstruée ne doit jamais, ô grand jamais, regarder l’homme dans les yeux en faisant l’amour, afin de ne pas affaiblir son courage à la guerre et sa vaillance à la chasse. Les seins des femmes n’interviennent pas non plus dans les critères de beauté des Papous, qui ont des valeurs plus fonctionnelles qu’esthétiques. Pour les Papous, une belle femme n’est pas une femme aux beaux yeux, au sourire avenant et à la poitrine galbée, mais plutôt une femme qui possède une bonne réputation de travailleuse et qui cultive bien le jardin de son Mari.

Oksapmin (Papouasie) Les Oksapmin sont connus en Occident à cause de leur curieuse tenue vestimentaire : un cache-sexe que les anthropologues appellent « étui pénien » qui s ‘attache autour de la taille. Les Oksapmin sont en contact avec les Blancs depuis le début des années soixante. Avant leur arrivée, il ne faisaient jamais l’amour à leur partenaire en la regardant de face. La levrette, inspirée des accouplements des animaux domestiques et sauvages, était ainsi la norme.

Hewa (Papouasie) L’espace d’habitation chez les Hewa est basé sur les sexes. Dans les grandes cases sur pilotis, véritables cathédrales sylvestres, vivent collectivement plusieurs couples et leurs enfants. Etant donné l’absence totale d’intimité, les rapports sexuels n’ont jamais lieu dans la maison. La forêt est dédiée au plaisir ; suffisamment loin des sentiers pour ne pas être vu, mais pas trop isolé, afin de ne pas rencontrer les mau­vais esprits qui la hantent. Les Hewa, une des populations les plus isolées de la Papouasie. souffrent, par ailleurs, d’une pénurie chronique de femmes. Les hommes entrent ainsi en compétition pour trouver une épouse. Les jeunes filles, demandées en mariage bien avant l’âge adulte, sont achetées avec des cochons, des arcs et des col­liers de coquillages.

Huli (Papouasie) Chez les Huli, connus en Occident sous le nom « d’hommes perruque » à cause de leurs chapeaux cérémoniels faits de cheveux humains, les jeunes mariés veillent quatre nuits. A l’aube du cinquième jour, ils se rendent dans leurs jardins et accomplis­sent un rituel de fécondité. Ils entreprennent alors la préparation de potions magiques, nécessaires à la consommation de l’acte sexuel. Chez les Huli, il est bon de repousser le plus longtemps possible le pre­mier rapport sexuel marital, cinq à neuf mois après le mariage. Le moment venu, le mari sacrifie un cochon comme précaution contre le danger de la contamination féminine. Enfin, avant de déflorer son épouse, l’homme verse de l’huile extraite d’un arbre parfumé dans son vagin, de peur d’avoir son pénis endommagé par le sexe d’une vierge. __La fréquence des rapports sexuels est liée au cycle menstruel de la femme. Un couple pourra copuler seulement quatre jours pendant la période d’ovulation de la femme. Comme il est souvent d’usage en Papouasie, la femme menstrues vit reclu­se, loin de son mari. Quand ses règles sont terminées, la femme envoie une feuille à son mari pour lui dire qu’elle n’est désormais plus dangereuse__. Le len­demain les époux pourront se parler de loin, mais sans se voir Jour après jour, ils se rapprochent un peu plus jusqu’à recommencer, pendant la fameuse pério­de des quatre jours, à profiter des plaisirs de la chair.

Baruya (Papouasie) L’anthropologue Maurice Godelier explique que « il est interdit à la femme de chevaucher son partenaire car les liquides qui emplissent son vagin pour­raient s’épandre sur le ventre de l’homme et le contaminer Et, bien entendu, alors que la femme suce le sexe de l’homme, jamais celui-ci n’approche sa bouche du sexe de la femme. Cette idée, de même que la sodo­mie, leur est «impensable». Les Baruya s’abstiennent également de faire l’amour après la naissan­ce d’un enfant, jusqu’à ce qu’il ait ses premières dents. Le baiser n’est pas pratiqué, et l’homme et La femme ne se manifestent pas de sentiments en public. Les seins sont appréciés lorsqu’ils sont opu­lents, et c’est une invitation sexuelle de la part d’une femme de se laisser frôler les seins par un homme. Le grand secret des rituels d’initiation des jeunes guerriers baruya, nous relève Maurice Godelier, est que le sperme est la vie et la force. C’est pour cette raison que les hommes donnent à boire leur sperme aux femmes affaiblies par leurs règles ou par un accouchement. Mais le sperme donne aussi aux hommes le pouvoir de faire renaître les garçons hors du ventre de leur mère. hors du monde féminin, dans le monde des hommes et par eux seuls. Ce rite le plus sacré, c’est que les jeunes initiés, des qu’ils pénètrent dans la maison des hommes, sont nourris du sperme de leurs aînés, et que cette ingestion est répétée pendant de nombreuses années dans le but de les faire croître plus grands et plus forts que les femmes, supérieurs à elles et aptes à les dominer, à les diriger. »

Chuuk (Micronésie) À Chuuk, archipel des îles Carolines, la perfection des lèvres fait la beauté d’une fille. Les lèvres oui, mais vaginales ! Les garçons de cette petite île micronésienne se glissent en cachette, à la nuit tombée à l’intérieur de la maison des femmes endormies, et soulèvent leurs jupes afin de comparer leurs différents attributs. C’est un jeu auquel les filles se prêtent de bonne grâce en faisant semblant de dormir, car l’enjeu ‑ avec une demande en mariage à la clé ‑ est élevé. Les coutumes sexuelles maritales à Chuuk sont aussi centrées autour d’un autre détail anatomique féminin. Pratique bien connue dans tout te Pacifique Sud, le « marteau chuukais » consiste à frapper le pénis de l’homme contre le clitoris de la femme. Cette activité, parfois une fin en soi, permet à ces dames polynésiennes d’atteindre le septième ciel. Et, plus surprenant, à l’homme aussi ! Iles Salomon Il y eut aux îles Salomon des jeunes filles appelées Aurao, prostituées sacrées et incarnations de la beauté féminine. Les Aurao intervenaient lors des cérémonies de clôture de deuil qui s’étendaient de trois à cinq ans. Echangées à leurs parents contre des coquillages ‑ pour eux, c’était là un grand honneur ‑ elles étaient adoptées par le clan Organisateur du rituel de deuil. Seuls les hommes éminents économiquement supérieur aux autres pouvaient obtenir leurs faveurs sexuelles en échange de coquillages. Les rituels accomplis, les Aurao pou­vaient racheter leur liberté grâce aux coquillages accumulés, se marier et retrouver une existence ordinaire. Certains poteaux, encore visibles aujourd’hui parmi les vestiges de maisons cérémonielles, représentent l’étreinte amoureuse d’une Aurao et d’un homme riche, reconnaissable à ses ornements. Dans ces maisons cérémonielles, exclusivement réservées aux hommes, étaient rassemblées les Pirogues de Pêche, de guerre et de voyage, ainsi que les objets rituels masculins ces abris étaient le lieu consacré pour communi­quer avec les esprits tutélaires et les ancêtres fondateurs. Ceux-ci étaient représentés sur les poteaux, dont l’aide et la protection étaient régulièrement sollicitées par les hommes avant un raid guerrier, une expédition commerciale ou une pêche aux bonites ou aux requins.

Samoa (Polynésie) Le premier contact avec les polynésiens a été décrit en 1769 par le voyageur Louis Antoine de Bougainville, dans des récits croustillants qui ont beaucoup titillé les imaginations de l’époque: « Les pirogues étaient remplies de nymphes nues ( … ). Elles nous firent d’abord des agaceries (…). Les hommes.. s’énoncèrent bientôt clairement: ils nous pressaient de choisir une femme, de la suivre à terre, et leurs gestes non équivoques démontraient la manière dont il fallait faire connaissance. » Ces marins et ces explorateurs, après des mois passés en mer, n’ont vu dans les jeunes autoch­tones que des filles lascives et faciles. Propres à se soumettre à leurs désirs. Mais la réalité fut tout autre. Ces jeunes filles étaient offertes par les chefs de tribus qui voyaient en ces hommes blancs des êtres envoyés du monde divin. Comme le soutient souvent l’anthropologue fran­çais Serge Tcherkezoff: « L’amour libre, l’amour en public et la danse lascive qui allèrent caractériser la Polynésie révèlent le miroir dans lequel les savants et les explorateurs européens se sont regardés tout en croyant observer d’autres peuples. Il n’y a, dans le mythe de la belle vahiné, que des croyances, des préjugés et des désirs propres aux Européens, L’histoire des premiers contacts en Polynésie ne s’est pas faite sous le regard de Vénus et d’Eros, malgré lés affirmations de Bougainville et de tant d’autres à sa suite. Seule le dieu Mars était présent : après avoir essuyé le feu des canon, et des mousquets, les chefs polynésiens firent avancer des jeunes filles, en montrant par signes aux visiteurs qu’ils pouvaient les prendre sexuellement. Quelques observateurs eurent l’honnêteté de remarquer que ces filles étaient « tremblantes de peur et inondées de larmes. »

 »Texte : Lorenzo Brutti ethnologue, UMS 1834, CNRS paru dans la revue Maximal, Janvier 2001 (p.120-123)

Pour en savoir plus : Maurice Godelier : La Production des grands hommes, Pouvoir et domination masculine chez les Baruya de Nouvelle Guinée Desmond Morris : Le Singe Nu Margaret Mead : Mœurs et sexualité en Océanie »