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Mais le plus étrange des cultes rendus à la végétation, le plus répandu, le plus tenace, celui qui marque le plus le paysage villageois est certainement le mai, le culte de l’arbre, à rapprocher de celui rendu par les Gaulois au dieu Esus. Au jour du 1er mai, mais de manière plus générale à chaque moment important de la vie familiale ou villageoise, un arbre de grande dimension ou une modeste branche, plus ou moins richement décorés, sont plantés à l’endroit que l’on veut honorer. Du mai de moisson, simple branchage de chêne ou de frêne orné de guirlandes et dressé sur la dernière charrette de gerbes, au mai de mariage du lendemain de la noce, où devant la maison de la fille l’on dresse un arbre, en passant par le rameau planté dans le fumier (curieusement le mai planté sur le fumier est censé éloigner les serpents ; dans certaines régions on dit « empêche les serpents d’aller téter les vaches ». Ce qui donne un saisissant rapprochement de deux mythes répandus dans les religions anciennes associant l’arbre et le serpent.) de la cour, c’est le même symbole de fécondité qui transparait. Mais le mai le plus imposant reste celui dressé sur la place du village, ou devant la maison du maire (autrefois du seigneur), transporté en triomphe et dont la mise en place est accompagnée de libations. Cette coutume du mai, qu’on laisse sécher sur place (car l’arracher porte malheur) fut même respectée autrefois dans les grandes villes et Paris n’échappait pas à la règle commune. Le mai christianisé qu’est le sapin de Noël, rite païen d’origine nordique, atteste encore, en milieu urbain, le maintien du culte rendu à l’arbre-dieu.
Extrait de Symboles et pratiques rituelles dans la maison paysanne traditionnelle par Hervé Fillipetti & Janine Trotereau, aux éditions Berger Levrault, Paris.