Extrait du Guide Noir de l’Auvergne. (éditions Tchou Princesse)
Médecine Populaire
La Vertu des « simples »
La nature, en Auvergne, est plus animée qu’on ne le pense : les montagnes et les sources, les plantes et les bêtes ont chacune leur esprit, leur pouvoir, leur vertu. Chacun sait que les « simples » qui naissent sur les montagnes passent pour avoir plus de vertu que ceux des plaines. Les monts d’Auvergne à ce titre avaient naguère encore une renommée : on prisait fort leur véronique ou leur pied-de-chat et, du temps où Delarbre était directeur du jardin botanique de Clermont, le jardinier qui l’accompagnait dans ses voyages au « Mont d’Or » ou au Puy de Dôme cueillait les simples pour les vendre avec une étiquette allemande sous le nom prestigieux de « vulnéraires de Suisse ».
Aux yeux des paysans, chacun des simples était un remède fourni par Dieu à un mal : la joubarbe qu’on laissait pousser sur les murs était « l’herbe de la blessure ». On parlait aussi de l’herbe de Sainte-Marie dont les feuilles passées à la flamme et posées sur une plaie ou sur un furoncle en tiraient à merveille toute humeur. Telle autre essence avait pour vertu de décider un malade : « S’il est pour mourir, il mourra, sinon il s’en sauve », et il se dit aussi qu’on devient fou en foulant cette plante redoutable. Aussi s’en méfie-t-on comme du maléfique sureau appelé encore « arbre de Judas ». Malheur à celui qui se servirait d’une de ses baguettes pour aiguillonner les bœufs, ces animaux en perdraient leur poil. Il suffit même d’y toucher pour perdre son chemin. Le noisetier, en revanche, est si propice que si, de la plus mince baguette, on frappe un serpent, le reptile en reste comme pétrifié. On pourrait faire le tour du monde sans risques avec une canne de noisetier. Il est béni. Ne fleurit-il pas à chaque fête de la Sainte-Vierge ?
Certaines plantes ont plus de pouvoir encore, la capillaire éloigne les loups-garous, l’angélique préserve de tout maléfice et « l’herbe au pivert » a pour pouvoir de faire découvrir les trésors. Quant à la verveine, elle a si grande vertu qu’il suffit d’en frotter sa main avant d’aller serrer celle d’un tiers pour faire amitié avec lui.
Bien des jardins dans les bonnes maisons de campagnes étaient autrefois composées en jardin d’apothicaire. On y faisait pousser l’ache et la rue, le fenouil et le souchet, la germandrée et la « toute-bonne ». « Autrefois » est peut-être de trop : on assure qu’à Aubière, dans la banlieue clermontoise, il est encore de tels jardins…l
Tu as chosis ce livre sur l’Auvergne pour des raisons particulières?
J’en ai déjà parlé dans les jardins d’avalon :)