Les Rites Familiaux

Pour la kitchen witch française, voici un petit extrait d’un livre que j’aime beaucoup : Symboles et pratiques rituelles dans la maison paysanne traditionnelle par Hervé Fillipetti & Janine Trotereau, aux éditions Berger Levrault, Paris. Je l’ai découvert dans la bibliothèque du service patrimoine d’une ville de province, lorsque j’y travaillais comme aide-documentaliste. Ce livre est donc tout à fait sérieux et sa bibliographie en témoigne. Il est hélas épuisé, on peut tout de même le trouver d’occasion sur le net mais à des prix assez élevés. Je me contenterai donc de ma version photocopiée ^^

En Basse-Normandie, on disait avant d’enfourner le pain : ‘Pain que le feu te cuise et que Dieu te bénisse.‘ La fabrication du beurre était accompagnée de rites identiques. Ainsi en Sologne psalmodiait-on tout au long du barattage : ‘Beurri, beurra, mon beurre se f’ra ; Beurri, beurré, mon beurre est fait‘ Et ce travail du beurre devait se faire faire en secret, sans spectateur autre que la personne qui barattait si l’on voulait assurer sa réussite. En Anjou, c’est en broyant les noix qu’il fallait chanter afin que l’huile ne se fige pas. En Brie, on mélangeait au sel servant à la fabrication du fromage des cendres du feu de la Saint-Jean pour éviter les vers et en Beauce de l’eau puisée le matin même de ce jour. Par ailleurs, certains jours de la semaine paraissaient néfastes pour effectuer certains travaux ménagers : par exemple faire le lit ou changer les draps le mercredi.

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Par ailleurs les mets préparés peuvent avoir des vertus magiques et leur préparation devient alors plus qu’un acte domestique, un acte rituel : il en est ainsi par exemple de l’omelette au fenouil de la Gironde considérée comme propre à préserver des sorts, ou plus simplement des crêpes de la chandeleur qu’il fallait manger en Poitou pour que les poules soient bonnes pondeuses ou de manière plus générale pour être assuré d’avoir argent et bonheur l’année durant (dans certaines régions du nord, il était conseillé aux femmes mariées de tremper leur alliance dans la pâte de ces crêpes). Les gestes qui accompagnent la préparation sont aussi proprement rituels : signer d’une croix la pâte, jeter la première crêpe sur le haut de l’armoire où on la laissera jusqu’à l’année suivante, tenir une pièce d’argent dans la main pendant que l’on fait sauter sa crêpe, toutes ces coutumes montrent bien la valeur symbolique du repas de crêpes. Il en est de même pour les œufs durs que l’on mangeait le dimanche de pâques en Auvergne comme dans beaucoup d’autres régions de France. {…}

Je citerai d’autres extraits à l’occasion.

Fossiles & Pierres Sorcières

Collection perso

Vous vous souvenez du billet sur la pierre trouée / amulette, de l’article de Doreen Valiente sur ces fameuses holey/holy stones ou encore du charme de la pierre sacrée consacrée à Diane dans l’Evangile des Sorcières ? Je suis tombée à nouveau sur le sujet en lisant Secrets of East Anglian Magic de Nigel Pennick. J’en ai fait une petite traduction.

Fossiles & Pierres trouées chez les Angles de l’Est (et pas de la carte =))

Nous conservons dans nos maisons des fossiles échinoïdes (ndlt : oursins) appelés Frairy Loaves (fairy loaves) afin qu’ils apportent la bonne fortune. Si l’on en garde une sur une étagère, on dit que les membres du foyer ne manqueront jamais de pain. Les Frairy Loaves ressemblent beaucoup à une sorte de petit pain traditionnel que l’on fabrique encore de nos jours – à Wiesbaden et dans d’autres parties de l’Allemagne. Il est probable que les ancêtres germaniques des Angles de l’Est fabriquaient leur pain sous cette forme. Les Pierres Trouées, les pierres percées de trous naturels, abondent parmi les galets sur les plages de la côte est {..}. Peintes en blanc, nous les utilisons pour garder l’entrée de notre garage. Nous les suspendons également avec une ficelle à la porte, côté intérieur, comme protection contre le mal lorsque la porte est ouverte. On la suspend sur le même clou que la clef de la porte, on considère que la combinaison de clou en fer, de fil de lin, d’une pierre trouée et d’une clef en fer porte chance. Les pierres trouées, également suspendues à l’aide d’une ficelle en lin ou d’une lanière en cuir dans la chambre, servent à éloigner les cauchemars. Suspendues aux poutres de l’étable, elles préservent les chevaux de souffrir de diverses maladies et d’être « monté par une sorcière » (ndlt : hag-ridden, c’est un terme désuet utilisé pour décrire un cheval qui a passé la nuit dans son écurie et que l’on retrouve en sueur le lendemain, on dit que le cheval a « eu un cauchemar », qu’il a été « hag-ridden » / « monté par une sorcière ». Les sorcières ou les fées auraient ainsi épuisé le cheval toute la nuit). Les ficelles de 9 ou 27 pierres trouées, que l’on suspend, sont des charmes particulièrement puissants. Certains disent que clouer trois fers à cheval à la tête ou au pied du lit est un remède sûr contre les conséquences néfastes de l’alcool.

Mola, couture & chamanisme

Mola Cuna

Je papotais hier avec Artus au sujet du quiltage, du batik et de la difficulté de leurs réalisations. Puis il m’a montré ce qu’était le mola. Le mola, ou l’art des Kuna (groupe ethnique amérindien qui vit sur les îles San Blas, sur la côte de Panama), est réalisé à la main avec une technique appliquée à revers. C’est l’élément central de l’habit Kuna. Il s’obtient par juxtaposition de plusieurs épaisseurs de tissus unis, aux couleurs contrastées, les motifs sont ainsi découpés dans les différentes couches de tissu, les couleurs sont donc soit révélées, soit mises en réserve, on utilise ainsi telle ou telle autre couleur des couches inférieures puis on réalise une broderie en incrustations. Les motifs sont naïfs et très colorés, ils représentent traditionnellement des formes géométriques, des scènes de la vie quotidienne, des animaux de la forêt mais aussi des animaux marins. Je ne sais pas si mon explication est très claire, si ce n’est pas le cas, l’article de wikipédia est plutôt bien fait.

Le mola m’a fait immédiatement penser aux peintures Huicholes (fils ou perles collés sur plaques ou sculptures en bois) et donc aux visions chamaniques obtenues par la consommation de cactus hallucinogènes. Je ne sais pas si les kunas en consomment, je n’ai pas trouvé grand chose sur le sujet, si ce n’est que leurs chamanes utilisent « certaines plantes psychotropes », qu’ils hument et mâchouillent, et qu’ils utilisent le tambour pour voyager dans l’Autre Monde. En tous cas, il se pourrait que le mola soit fortement lié aux chants chamaniques.

Par l’artiste huichol Rojelio Beuites.

La réalisation des molas est l’œuvre exclusive des femmes. Ceci s’explique à travers la cosmologie de ce peuple :

Les étoiles sont les lumières d’un groupe de maisons dont la nature est à mi-chemin entre les corps solides et l’air. Ces maisons sont habitées par de superbes femmes qui tissent le coton dans la nuit, éclairées par des lampes semblables à celles du peuple blanc. Elles se reproduisent elles-mêmes par la volonté de Paptummatti (littéralement le Grand Père) sans l’intervention des hommes, donnant toujours naissance à des filles.

Par Gomez Antonio, El Cosmos, Religion y Creencias de los Indios Cuna. In Boletin de Antropologia 3(11)55-98. Medelllin, Universidad de Antioquia. 1969.

Les indiens Cunas expliquent l’origine du mola par un mythe :

« Les molas viennent du kalu Tuipis.
C’était un lieu dangereux,
où vivaient les spécialistes des ciseaux…
Elles étaient de très belles femmes.
Dans ce kalu nul homme ne pouvait entrer,
Même chaman.
Lorsque l’un s’en approchait, l’une sortait.
Elle le séduisait, elle en faisait son mari,
Puis elle le renvoyait sans qu’il ait pu passer.

Alors on délégua Olonaguelidi, la sœur d’un chaman, un nele.
Elle put pénétrer dans le kalu Tuipis.
Elle entra, elle regarda.
Elle vit la première les maîtresses des arbres,
Pareilles à des femmes.
Elle vit la première ce lieu couvert de figures,
De signes changeants, tels les nuages du ciel,
De feuillages, de troncs, de pierres
Qui semblaient être purs dessins et écritures.
Elle vit la première les dessins des molas.
Elle vit des femmes qui coupaient,
D’autres qui cousaient.
Il y avait une table, de grands tissus.

De retour Olonaguedili compta à ses enfants :
Les dessins sont faits ainsi, dit-elle,
Le tissu se coupe comme ceci, se coud comme cela…
Les femmes l’interrogeaient…
Elle apprit ainsi dans la quatrième couche.
Avant les femmes s’habillaient de feuilles. »

(conté par E. G., Mulatupu, “ l’île de l’urubu ”, 1994)

Il n’y a pas de symbolisme explicite lié à la confection du / de la mola, mais on peut mettre en rapport leur technique de superposition de tissus avec leur conception du monde qui serait composé de 8 couches.

La terre a plusieurs couches, plusieurs pilli.
En chacune vivent des esprits et leurs maîtres.
Seul le chamane peut les visiter.
Dans la deuxième, il voit les choses d’ici,
Sauf les montagnes, qui sont moins hautes.
La troisième couche aussi est comme ici,
sauf le paysage, qui est plat.
Mais les chamanes ne peuvent pas aller plus loin.
Seuls ceux d’antan ont pénétré la quatrième couche.
Au-delà des huit couches,
il y aurait un autre monde.

(D’après E. Nördenskiöld )

Source des deux derniers textes : ULB

Onguent magique *v*

Et non, je ne vous donnerai pas ma recette d’onguent de vol, à vrai dire je n’en ai pas car les plantes, je les mange, c’est plus efficace =)

Je vous parlerai juste de celui que je me suis fabriquée pour l’onction des outils rituels… tels que l’autel (je ne mets pas de nappe, c’est salissant et peu esthétique, trouvé-je), les baguettes, les pentacles, les jeux de runes, les boîtes (à tarot, à pendule et ceux pour les charmes), les tchic-tchic, les mailloches à tambour, etc… Enfin bref, uniquement les objets en cuir et en bois. Ca leur donne un très bel aspect, ça les nourrit et qui plus est ça les charge efficacement !

J’ai donc relégué mon huile de consécration au fond du placard à balais.

Cet onguent est donc très simple à réaliser, et pour cela il vous faudra :

  • de l’huile d’amande douce (environ 35 à 40 ml pour obtenir une bonne quantité d’onguent, histoire de partager avec ses copines sorcières),
  • un peu de cire d’abeille (j’utilise des bouts de feuilles de cire gaufrées, les mêmes que j’emploie pour réaliser mes bougies… j’en parlerai dans un autre billet),
  • le parfum de votre choix. J’ai utilisé une gousse de vanille fendue la première fois, le parfum reste très léger. La seconde fois, j’ai employé de l’huile essentielle de patchouli et j’ai du mettre une bonne vingtaine de gouttes pour 35 ml d’huile, là aussi le parfum reste malgré tout léger.

Je mets tout ces ingrédients dans un bocal en verre. Je mets ce bocal au bain-marie dans ma casserole en cuivre, c’est traditionnel mais ça n’a en vérité aucun intérêt ^^. Toute casserole de base fait très bien l’affaire. Je regarde si le mélange se fait bien et j’ajoute soit de l’huile d’amande douce si le mélange est trop épais, soit de la cire s’il ne l’est pas assez. Ne mettez tout de même pas trop de cire car cela a tendance à être vite trop « dur » lorsque l’onguent refroidit.

Et voilà, il ne reste plus qu’à consacrer et bénir ce mélange *v*

N’ayez pas la main trop lourde et n’oignez pas trop souvent vos objets, la cire aurait tendance à les encrasser.