Brigid par Sharon McLeod
Je me suis amusée à traduire un extrait d’un livre que j’adore : « A Dictionary of Fairies » écrit par la célèbre folkloriste britannique Katharine Mary Briggs. Il y est notamment question de la déesse Brigid. J’ai ajouté une note intéressante en fin d’article à propos des mots : forgeron, poésie et musique. Bonne lecture !
Brigit, ou Brid.
Extrait du livre « A Dictionary of Fairies » par Katharine Briggs. Traduction libre par Lune.
La déesse Irlandaise Brigid semble avoir été tellement aimée que l’Église Primitive ne put se résoudre à la séparer de son peuple et elle devint Sainte Brigitte d’Irlande.
Lady Grégory, dans Gods and Fighting Men, dit à son sujet (p. 2) :
Brigit… était une poétesse**, et les poètes l’adoraient, car son pouvoir était très grand et très noble. C’était une guérisseuse et elle pratiquait également l’art de la forge. C’est elle qui la première conçut le sifflet qui, à travers la nuit, permet de s’appeler les uns les autres. La moitié de son visage était horrible mais l’autre était particulièrement avenante. Son nom signifiait Breo-saighit, c’est-à-dire « flèche enflammée ».
Diverses sources sur les croyances en les fées* ont été citées dans la section « théories sur les origines des fées », et ce avec raison. Elles ont été appelées tour à tour « morts », ou « traditions des hommes primitifs » ou encore « esprits de la nature », mais il semble faire peu de doute qu’en Irlande, elles étaient, au moins pour certaines d’entre elles, les descendantes de ce Panthéon primitif.
* Note de Lune : j’ai traduit le terme « fairy » par fées, pourtant il ne s’agit pas exclusivement d’entités féminines. Peut-être serait-il plus juste de les appeler « peuple de féérie ».
** Note de Lune : Fait amusant, je suis tombée aujourd’hui sur cette note qui parle du double sens en « celtique » du mot qui veut dire forgeron. Arbois de Jubainville Marie-Henry d’. In: Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 51e année, N. 4, 1907. p. 204.
Je cite :
M. d’Arbois de Jubainville donne lecture d’une note sur le double sens en celtique du mot qui veut dire « forgeron ». La langue celtique primitive paraît avoir possédé deux mots, l’un masculin *kerdu-s, désignant le forgeron, l’autre féminin *kerda, désignant sa profession et le produit de son travail ; ces mots dérivent de la même racine que le latin cerdo, -onis « manouvrier » et que le grec xépSoç « gain ».
Les deux mots celtiques se retrouvent en irlandais et en gallois; *kerdus « forgeron » est devenu en irlandais ancien cert, ou mieux cerd, génitif cerdo, aujourd’hui céard, génitif céarda.
Dans la grande épopée qui raconte l’enlèvement du taureau divin et des vaches qui l’accompagnaient, on voit apparaître Culann, forgeron du roi d’Ulster. Il n’a d’autre fortune que son marteau, son enclume, ses tenailles et ses poings, mais il habite un château, dûn, et invite à dîner son roi qui accepte. Chose extraordinaire ! cerd, au sens de « forgeron », joint en irlandais celui de « poète », et comme conséquence, le féminin *kerda, en vieil irlandais cerd, génitif ceirde, a pris le sens de «poésie».
Un sens dérivé de celui-là est « musique » ; telle est la signification du gallois cerdd, parce que les poèmes, tous lyriques, se chantaient avec accompagnement de la harpe celtique, la crotta. Que diraient nos confrères les poètes de l’Académie française et les membres de la section de composition musicale à l’Académie des beaux-arts, s’il venait en idée à un statisticien de les classer dans la catégorie des forgerons et si la mode venait de désigner leurs œuvres par les mots qui servent à nommer les produits des usines métallurgiques ?
Un poète français a dit d’un des confrères :
De son rude marteau martelant le bon sens,
II fit de méchants vers douze fois douze cents 1.
Ce n’était pas aimable,
1. Boileau. Épigramme contre Chapelain.