Le Dieu

Voici une autre traduction commencée l’an dernier. Il s’agit d’une partie du chapitre de Witchcrafting sur le Dieu. Ce n’est pas la meilleure, mais elle introduit le travail pratique, qui est à mon sens vraiment intéressant. J’ai beaucoup de mal avec certaines théories de l’auteur qui ne me semblent pas assez développées. Je ne suis pas persuadée que certaines qualités soient sexuées. Je ne suis pas sûre non plus que les dieux dits patriarcaux, vindicatifs et cruels, aient beaucoup à envier à certaines déesses sanglantes… Je la rejoins néanmoins sur un point, notre perception déformée de Yavhé, comme un dieu lointain et autoritaire, dresse un mur entre nous et les expériences du divin masculin. À nous de faire tomber ce mur !

Le Dieu

Par Phyllis Curott, traduction & adaptation Lune

Extrait du chapitre 6 de « Witch Crafting »

Il existe une merveilleuse expression écossaise que m’a rapportée l’un de mes étudiants : « Ne jamais donner une épée à un homme qui ne sait pas danser. » Au mépris de toutes images et édits bibliques dans lesquels nous avons été élevés, lorsque vous faites de la magie, faisant de vous une Sorcière, vous allez à la rencontre d’un Dieu qui danse. Dans la Wicca, le Dieu n’est pas juste un guerrier, un roi et un père. Il est enjoué, joyeux, érotique et extatique.

Où pouvez-vous trouver ce Dieu ? Si vous êtes un homme, regardez dans le miroir et vous Le verrez. Et si vous êtes une femme, considérez votre vie et vous Le trouverez. Sortez aujourd’hui et tenez-vous sous le chaud et lumineux Soleil et vous Le verrez et Le sentirez. Le Dieu est le feu qui alimente la création, la force qui insémine les fondements de l’être, et la graine d’où toute vie croît. La matière première des planètes, des comètes et des étoiles, d’où proviennent tous les humains, sont le Dieu, car chaque atome de nos corps était jadis un morceau d’étoile.

Comme la Déesse, le Dieu est la force de vie s’écoulant à travers la création, et Il est présent dans la base de tout être. Il réside à l’intérieur de nous tous et comme la Déesse, il possède de nombreux noms, visages, pouvoirs et dons. Comme la Déesse, le Dieu est, à la fois, un et plusieurs.

Les légendes dominantes au sujet du Divin Masculin, rapportées par l’ancien et le nouveau testaments de la Bible, nous présentent Celui-ci comme un parent absent, seul / un père en colère, ou un fils de Dieu sacrifié. Mais il existe d’innombrables mythes et légendes à propos des Dieux qui ont survécu, et qui nous montrent l’immense palette de qualités que possèdent réellement le Dieu. Il y a des Dieux qui sont fils et amants des Déesses (Tammuz, Adonis), qui sont à tel point présents dans le monde qu’ils sont en réalité une manifestation animale (Herne, Cernunnos, Pan) ou végétale, les vertes plantes sortant de Terre (Tammuz, Baal, l’Homme Vert – greenman -, Mescalito). Il y a des Dieux qui sont aussi bien connus pour leurs activités sexuelles que pour leurs activités guerrières (Mars et Arès).

Mais entre nous et ces autres expériences du Divin masculin, se tient la présence dominante du Dieu avec lequel nous avons été élevés, même si nous n’avons pas grandi dans des maisons religieuses – Yahvé, le Dieu des religions abrahamiques (Judaïsme, Christianisme et Islam. Jusqu’à ce que la Sorcellerie moderne réapparaissent sur la scène religieuse occidentale, le mot « Dieu » évoquait l’image si magnifiquement capturée dans les peintures de Michel-Ange, du plafond de la chapelle Sixtine : un patriarche barbu, au torse puissant, nous regardant de haut depuis son royaume céleste. Lisez la Bible et l’image d’une déité sévère devient plus vive, et plus encore, effrayante. Malgré toute sa sagesse et son divin pouvoir, Yahvé était un dieu auto-proclamé et jaloux, qui a exigé que des animaux soient sacrifiés pour lui et qui frappait violemment quiconque lui désobéissait. Et il a ordonné à ses fidèles à faire de même et pire encore, tout cela depuis son lointain trône, bien loin du monde dans lequel nous vivons et luttons.

Dans un tel contexte, celui d’un Dieu Père vindicatif et distant et de déités païennes patriarcales survivantes, qui ont également supplantées la Déesse, il est facile de comprendre l’avènement du Christianisme. La figure du Christ offre une conception du divin masculin très différente – il est tolérant, clément, miséricordieux, il est l’âme de la bonté. Il est réellement et franchement féminin (en prenant sur lui-même nombre des qualités autrefois attribuées au Divin Féminin à présent éradiqué) et, selon de nombreuses histoires du Nouveau Testament, de façon atypique sympathique aux femmes. Mais comme sa mère Marie, il est aussi sans sexualité, sans humour. Jésus n’est pas espiègle, Jésus ne danse pas et comme son père, il est capable d’entrer dans une colère pharisaïque.

En fin de compte, le Christ est l’incarnation du sacrifice de soi, qui l’élève à la sainteté et au pouvoir de son Dieu Père. Le Christ n’est pas seulement le fils de Dieu, il est lui-même divin. Bien que le symbole de la crucifixion soit une profonde et complexe métaphore religieuse (enracinée, en partie, dans les mystères agraires pré-chrétiens tels que ceux d’Attis, Tammuz, Dionysus et Adonis), je ne peux m’empêcher de me souvenir de ma réaction, petite fille, à la vue du Christ sur la croix. J’ai reculé lorsque j’ai vu les clous plantés dans ses mains et ses pieds, le sang coulant des blessures, d’une entaille sous son cœur et son visage, où une couronne d’énormes épines blessait sa chair. L’image seule me terrifiait et plus je grandissais plus j’étais perturbée par le fait que Jésus était dans cet état à cause de la décision de son père de le sacrifier. Permettre que votre enfant soit violemment sacrifié, même pour une « bonne » cause (en sauvant l’humanité du « pêché »), reste quelque chose de violent et cruel – et vous ne pouvez pas échapper à la dure réalité que cela revient moralement à assassiner son propre enfant.

La crise du père absent et du fils sacrifié est partout présente dans notre culture moderne et ne peut avoir été plus violemment et douloureusement évoquée pour ceux d’entre nous qui ont vécu la guerre du Vietnam. En reflétant les actions de leur Dieu, les hommes ont envoyé leurs fils au massacre plutôt que de travailler à résoudre les problèmes de manière pacifique en Asie du sud-est. Nous avons été élevés avec ce genre d’idées du divin masculin, blessées, brutales, brutalisantes. Comment dépasser la souffrance et l’affliction de la souffrance ? Et, le plus important de tout, comment trouver un Dieu vivant, un Dieu présent qui danse dans la joie et embrasse la vie et la Déesse ? Où est-ce que commence le voyage ?

« Cernunnos », peinture digitale par Fabiola I. Vargas

L’Esprit Familier

L’Esprit Familier
Par Nigel Jackson ©, traduction & adaptation Lune

Chapitre ‘8’ de « Call of the Horned Piper »

La figure du Vieux Cornu, le dieu des sorcières, s’étend depuis l’antiquité Européenne, terne et sombre, de la chasse et de l’élevage de troupeaux, là où il règne sur les bêtes sauvages et le bétail domestiqué tel le Maître chamanique des Animaux, depuis son profond trône dans les forêts d’Annwyn. Il est le chef suprême des royaumes les plus sauvages que ses habitants honorent comme leur véritable maître, lui et ses serviteurs : le Gruagach des Highland en Ecosse, le Boggart du Lancashire, le Brownie d’Angleterre, à qui on faisait régulièrement des offrandes en échange de leur aide pour accroître la fertilité et les richesses naturelles.

Le Maître Cornu gouverne les pouvoirs générateurs du royaume des bêtes, les forces primales de vie, de mort et de renaissance qui nourrissent le monde naturel, et était donc une divinité très importante de la même façon pour l’éleveur, le berger et le chasseur, depuis les tout débuts de la période indo-européenne et antérieure.

Dans le conte gallois de « Owein ou la Comtesse de la fontaine » du Mabinogion, Kynon rencontre une créature, assise sur un petit monticule dans la clairière d’une forêt.

« …Sur ce monticule, tu verras un grand homme noir, pas plus grand que deux hommes de ce monde. Il a un pied, et a un œil au milieu du front, il porte une lance en fer… Bien que laid, ce n’est pas un homme désagréable. Il est le gardien de la forêt, et tu verras un millier d’animaux sauvages brouter autour de lui. »

Kynon demande quel pouvoir détient ce puissant dieu de la forêt sauvage sur les animaux. Le gardien de la forêt répond :

« Petit homme, je te montrerai, » dit-il, et il prit son gourdin et frappa un cerf pour que celui-ci brame : après cela, les animaux sauvages vinrent à lui et furent autant que les étoiles dans le ciel… Il les regarda et leur ordonna de paître, et ils le saluèrent et l’honorèrent tels que le font les hommes obéissants envers leur seigneur. Puis, il dit « Bien, petit homme, tu vois le pouvoir que je détiens sur ces animaux. »

Dans les anciennes images gauloises, le Cornu, Cernunnos, est montré tenant des serpents à tête-de-bélier et est entouré par un cerf et un taureau, symbolisants sa maîtrise des troupeaux à cornes et de chèvres.

Ainsi, il apparaît clairement pourquoi les sorcières, à travers toute l’Angleterre et l’Europe, racontaient comment le Vieux Cornu, le Diable, leur donnait des animaux familiers au cours de leur initiations, ceci afin de les aider dans leurs sorcelleries. L’esprit familier, également appelé le puckerel, imp (ndlt : un petit démon ; en France, on parle de Démon Familier) et nigget, peut être vu comme un aspect de « l’âme-animal » ou « animal-fetch » (ndlt : familier… Mais littéralement l’animal qui cherche), que le Maître Cornu dévoile chez son initié.

Si nous interprétons le familier sous cette lumière, il représente une manifestation d’atavismes profondément enfouis à l’intérieur de la psyché du sorcier et qui peut être projetée pour réaliser certains travaux magiques. Dans certains cas, on pensait que les familiers d’une sorcière résidaient dans son corps, et émergeaient lorsque évoqués pour certaines raisons spécifiques.

Les formes prises par les familiers des sorcières ouvrent sur un monde étrange, complet, de zoologie occulte et de symbolisme totémique. Parmi les plus connus, il y a le chat noir qui rappelle à la fois le lynx sacré de la Déesse Nordique Freyja et le Chat Sith ou le Chat de Féerie de la tradition Celtique. La pupille du chat est supposée se contracter et se dilater en fonction des cycles de la lune et ses étranges va et vient nocturnes sont particulièrement significatifs : à la fois comme familier et « shape-shifting » (ndlt : transformation, changement de formes) des sorcières. Annis la Noire, l’effrayante sorcière des collines de Leicestershire prenait parfois la forme d’un chat.

Le lièvre est un autre célèbre familier des sorcières et à nouveau, un des aspects préférés pour le « shape-shifting » (ndlt : transformation, changement de forme) dans la sorcellerie rurale anglaise. Ses associations à la lune et à la fertilité sont bien connues. Dans le Lancashire, le rebouteux portait toujours une patte de lièvre dans son chapeau comme signe de sa fonction.

La sorcière de Somerset, Elizabeth Styles possédait un familier qui avait la forme d’un chien noir, qu’elle appelait Robin. En Pennsylvanie hollandaise, ceux qui pratiquaient la «hexerei » (ndlt : sorcellerie) étaient habituellement accompagnés d’une chouette, comme familier.

D’autres esprits familiers dans les annales de la sorcellerie traditionnelle apparaissent, tels que les chevaux, les crapauds, les rats, les furets, les corbeaux, les belettes, les merles, les hérissons et divers hybrides étranges et theriomorphes de l’Autre Monde. En pensant aux familiers-souris, nous nous rappellerons qu’en Allemagne, l’âme des sorcières quittait leur corps par la bouche sous la forme d’une petite souris rouge.

Les sorcières gardaient parfois ces créatures-esprits dans de petits pots en terre et leur faisaient une offrande sacrificielle de quelques gouttes de leur sang.

En certaines occasions, nous trouvons des sorcières qui étaient assistées par le peuple de féerie ou des esprits ancestraux. La sorcière d’Orkney, Bessie Dunlop était aidée par l’esprit d’un Thomas Reid qui avait combattu et qui était mort à la bataille de Pinkie et qui résidait alors parmi les gens du Sidhe, dans le monde de Féerie.